07 octobre 2006

Il quitte les Docks et reprend l’Atlantic


Un chat. Malgré son jeune âge, Stéphane Bezençon, a déjà eu plusieurs vies. Opérateur-projectionniste, policier, vendeur de soupes, créateur d'un bar à fruits à Ibiza et de deux clubs à Lausanne. L'homme a roulé sa bosse et en a pris quelques-unes. A 43 ans, il s'apprête à reprendre les rênes de l'Atlantic, fermé en juin par Europlex. «Ouvrir des lieux, c'est ma manière à moi de créer», lâche le Lausannois, une Parisienne entre les doigts. Ce quadragénaire est connu comme le loup blanc dans le milieu des nuits lausannoises. C'est lui qui, en 1996, fonde le D! Club, puis l'exploite pendant quatre ans. C'est encore lui qui, en 2003, ouvre le Cercle (l'actuel Buzz), à la rue Enning. C'est encore lui qui, depuis un an, s'occupe de l'exploitation des Docks. Ou plutôt s'occupait. Il vient de claquer la porte du club de Sévelin avec deux autres collègues. Il y travaillera une dernière fois demain soir. «Au début, je pensais pouvoir m'occuper à la fois des Docks et de l'Atlantic. Ça ne sera pas le cas…» Après la houle des Docks, le navire amiral de l'Atlantic. Un nouveau départ, encore un, sous forme de retour aux sources. A 16 ans, Stéphane Bezençon a en effet commencé comme projectionniste, au cinéma Athénée. «C'était la grande époque de Georges-Alain Vuille. Le cinéma cartonnait. Certains dimanches, je bossais dans l'appartement de Vuille. Je projetais des films pour ses enfants sur son grand écran personnel.»

Projectionniste privé pour Vuille
A 19 ans, Stéphane Bezençon opère un premier virage radical. Après trois ans dans le cinéma, ce féru de backgammon devient… policier! Comme son père et son frère. Une expérience qui fera long feu. «Je travaillais à police-secours. C'était rigolo de faire le Zorro. Mais quand il s'agissait d'arrêter des gens, là, c'était moins drôle.» Deuxième virage. Le jeune homme part à Ibiza. Monte un fruit bar sur une plage. «Je suis resté une année. Cette île, à l'époque, c'était de la folie…», glisse-t-il, sourire en coin. Après le soleil, la nuit. De retour à Lausanne, Stéphane Bezençon traverse quelques années très sombres. «Quand je suis sorti de cette période, j'ai eu la chance de rencontrer Miguel Stucky, patron de Métrociné. J'avais 28 ans. Il m'a donné ma chance. Je l'ai vu un dimanche. J'ai commencé à travailler pour lui le lendemain.» Stéphane Bezençon va vite prendre du galon. De 1991 à 1995, il gère cinq salles du groupe: l'Atlantic, l'Athénée, le Bourg, le Lido et le Romandie. Avant de quitter Métrociné, pour ouvrir le D! Club. «Pendant quatre ans, ça a été le carton. Je me souviens que pour une soirée «automne», on avait rempli le club avec huit tonnes de feuilles mortes.» Après le succès, la désillusion. Une fois le D! revendu, Stéphane Bezençon est approché par Expo. 02, qui lui propose de monter un club à Bienne. «C'était le projet de ma vie. J'avais 4,5 millions pour faire ce que je voulais.» Las, son projet, fin prêt, passe à la trappe, victime des coupes budgétaires. Un avortement douloureux pour ce fan de musique électronique. Qui rebondit pourtant. Ouvre le Cercle. Le revend une année plus tard. Crée un concept de sandwich, soupe & salades au Petit-Chêne. Le ferme, faute de clientèle. Puis postule aux Docks, obtient le job et démissionne une année plus tard. Avant de retomber sur ses pattes en reprenant l'Atlantic. Un chat, qu'on vous disait.

Le dernier Woody Allen en ouverture
L'Atlantic ouvrira ses portes le mercredi 1er novembre. Au programme: Scoop, le dernier Woody Allen. «C'est chouette, lance Stéphane Bezençon. Ce film est parfaitement dans la ligne de ce qu'on veut proposer ici. On a en plus réussi à obtenir la seule copie en version originale pour Lausanne». Un film décroché par Sibaï Chahnaz, ancienne responsable de programmation chez Europlex, qui travaille désormais pour l'Atlantic. «Ironie de l'histoire, je l'avais engagée il y a quinze ans comme caissière», confie Stéphane Bezençon. Outre Sibaï Chahnaz, le quadragénaire s'est entouré de plusieurs actionnaires. Parmi eux, Najib Daki, patron des boutiques Sud ou encore Bernard Tâche, fondateur du magazine Seven Sky. Côté travaux, le hall du cinéma va être rénové, les murs repeints avec des couleurs plus chaudes. Du nouveau mobilier apparaîtra, «plus cosy», de même qu'une bibliothèque, avec des livres sur le cinéma. «Notre clientèle sera plus âgée que celle qui fréquentait l'endroit à l'époque d'Europlex. Nous allons diversifier l'offre au bar, en proposant par exemple du vin et du whisky.» Un bar sera réintroduit au niveau du balcon. Un espace qui sera fumeur. L'Atlantic nouveau compte sur 55 000 spectateurs par année. Soit la fréquentation de la salle en 2005.

24 heures - JULIEN MAGNOLLAY