Numérique France - Jean Labé, président de la FNCF

À la veille du 61e Congrès de la FNCF, Jean Labé réagit au rapport Goudineau sur la projection numérique, qu’il juge pertinent, même s’il n’en partage pas tous les points de vue.
La projection numérique est au cœur de l’actualité. Quelles sont vos premières impressions sur le rapport Goudineau ?
Ce rapport est excellent car il analyse l’ensemble des problèmes actuels avec sérieux, minutie et pédagogie. Il devrait permettre à ceux qui n’avaient pas suffisamment réfléchi à la question de bien mesurer les enjeux d’un passage éventuel au numérique. Nous en conseillons la lecture à tout le monde. Viviane Reding aurait commandé un rapport comme celui-ci, elle n’aurait pas déclaré à Cannes en 2002 que toutes les salles seraient passées au numérique d’ici à deux ans.
À la lecture du rapport, le passage au numérique semble néanmoins inéluctable…
S’il va à son terme, il n’y aura pas de “big bang”. Un des grands mérites du rapport est de dédramatiser le sujet. La projection numérique a vocation à devenir un investissement comme un autre. Certains estimeront que c’est la priorité, d’autres préféreront consacrer leurs investissements à des améliorations de l’accueil du public, de la billetterie, etc.
Pensez-vous comme lui qu’il s’agit “d’un bouleversement qui touche autant, voire plus, les distributeurs et les industries techniques que les exploitants” ?
C’est surtout une figure de style de Daniel Goudineau pour sensibiliser certains au sujet. Les industries techniques réfléchissent depuis longtemps à la manière d’appréhender le passage au numérique. Celui-ci représente un vrai bouleversement pour elles car elles ne tireront plus de copies. En revanche, j’ai l’impression que la plupart des distributeurs se sentent moins concernés que nous aujourd’hui par cette question.
Quelles sont les recommandations les plus pertinentes de Daniel Goudineau ?
Nous sommes d’accord avec toutes les recommandations techniques, et plus particulièrement l’interopérabilité de l’ensemble du matériel, dont les serveurs. Nous avions déjà pris position avec l’Unic sur ce point capital qui est loin d’être résolu. Or, il n’est pas question que les exploitants se retrouvent dans la même situation qu’avec les différents formats non compatibles de son numérique. S’il a été possible de s’équiper de plusieurs systèmes sonores, cela n’est pas envisageable avec les équipements de projection, bien plus onéreux.
Que pensez-vous des modèles économiques proposés par Daniel Goudineau ?
Il est clair que nous avons besoin d’un système adapté au marché français. Le modèle américain n’est pas transposable, et l’expérience anglaise ne s’inscrit pas dans une logique globale puisqu’elle repose à 100% sur des fonds publics et ne concerne qu’une partie des salles. Quant aux propositions de Daniel Goudineau, elles se caractérisent par leur grande prudence. Certains points sont positifs, d’autres moins, même s’ils se prêtent à une vraie réflexion. Je pense notamment au rôle de l’État dans la gestion des “clés de lecture des films”. Ce système serait difficile à mettre en place et à gérer. De plus, je ne suis pas sûr que les entreprises françaises souhaitent un tel contrôle des pouvoirs publics. L’État a toujours eu un rôle de régulateur, mais il n’est jamais intervenu au quotidien dans la vie économique des salles. Il nous faut donc trouver une voie médiane.
Certains distributeurs, notamment du DIRE, souhaitent que les salles s’engagent sur la durée d’exploitation des films…
Nous n’accepterons pas que l’on fasse porter le chapeau du nombre de films à l’exploitation. Les exploitants sortent tous les films qui se présentent sur le marché. Le problème ne sera pas résolu en obligeant l’aval à prendre des engagements de durée, et donc en amenant les salles à refuser des films, ce qui leur serait aussitôt reproché. La solution à ce problème ne dépend pas d’un engagement de leur part. Elle doit être trouvée en amont, au niveau des producteurs, des distributeurs et des pouvoirs publics.
Propos recueillis par par Anthony Bobeau et Sophie Dacbert / Le Film Français
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